LECTURES DES OUVRAGES DE CHARLES MOPSIK
Compte rendu de Catherine Chalier sur
CHARLES MOPSIK POUR MEMOIRE
Charles Mopsik auquel le
judaïsme de langue française doit tant nous a quittés de façon très prématurée
et avec la même discrétion que celle qui anima sa vie. Dans ce livre posthume,
il revient sur une des questions qui l'ont beaucoup préoccupé : Celle de la
différence sexuelle pensée à la lumière des sources de la Cabale. Déjà dans son
étude de présentation de la Lettre sur la sainteté (Les Dix Paroles, Verdier,
1986), puis dans l'édition du Traité de Joseph Gikatila, David et Bethsabée, le
secret du mariage ( l'Eclat, 1994), il avait montré combien les cabalistes
avaient été attentifs à la polarité du masculin et du féminin au cœur de
chacun(e), au secret du baiser et du mariage, à la possibilité enfin de vivre
la relation sexuelle en proximité du divin.
Deux des cinq études présentées
explorent les interprétations mystiques des versets de la Genèse sur le couple
humain : "Mâle et femelle Il les créa" (1, 27) ; "Ils seront une
seule chair (2, 24). Charles Mopsik montre que si les cabalistes justifient
souvent les préjugés courants sur la supériorité du masculin et sur
l'infériorité du féminin, avec une autorité d'autant plus grande qu'elle est
censée prendre source dans la Torah c'est pour des raisons déconcertantes pour
la mentalité occidentale. Le masculin est en effet pensé comme image de la
douceur et de la miséricorde divine, le féminin comme celle de sa sévérité et
de son jugement. Le féminin est à soumettre car la miséricorde doit garder la
prévalence ! On voit dès lors que la théologie sous-jacente à ces réflexions ne
peut aucunement se réduire à celle d'un Dieu pensé comme Père.
Charles Mopsik insiste, avec
les cabalistes, sur la dimension féminine et maternelle du Dieu d'Israël et sur
la nécessité de remettre en question l'idée d'une toute puissance divine. Les
cabalistes ne cherchaient d'ailleurs pas à échapper aux anthropomorphismes
bibliques qui attribuent une sensibilité, voire une sensorialité, à Dieu, ils
n'hésitaient pas à penser un Dieu affecté par l'attitude des hommes. Or, en
retour, leur théologie permet aussi de valorise les aspects affectifs,
sensibles et sensuels de la vie humaine. Leur pensée mystique n'appelle à aucun
détachement du corps mais à la pensée de son secret.
L'étude intitulée "La
femme masculine" est particulièrement étonnante, pour d'autres raisons
elle montre que les questions comme celle de la stérilité d'un couple, de
l'absence du désir chez l'un(e) de ses membres, de la bisexualité ou encore de
l'homosexualité.
Leur réflexion sur le sexe des
âmes montre que, selon eux, rien, dans la réalité n'échappe à la polarité
sexuelle. Il arrive toutefois parfois qu'une disharmonie se fasse jour entre le
sexe du corps et celui de l'âme. Ainsi une âme masculine – ou féminine – peut
se trouver dans un corps féminin – ou masculin – par suite d'une transmigration
et d'une réincarnation destinées à la purifier. Dès lors, dans cette
perspective, loin de condamner purement et simplement l'homosexualité, les
cabalistes cherchaient à comprendre si une telle disharmonie entre l'âme et le
corps n'était pas à l'origine de cette attitude. Cette étude ouvre également
des perspectives inédites et stimulantes sur des questions modernes come celle
de la procréation et du clonage. Elle incite enfin à penser la place et la
nature du corps au moment de la résurrection.
Catherine Chalier
Pour Information Juive – février 2004, n°235
(Charles Mopsik, Le Sexe des âmes, aléas de la différence sexuelle
dans la cabale, éditions de l'Eclat, 2003).