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LA STRUCTURE DU ZOHAR 2


Author, copytight Charles Mopsik - 40:13'. 16 mars 2000.

 

DESCRIPTIF PAR CHARLES MOPSIK

Les conséquences sociétales de la rédaction du Zohar.
L'exposé qui suit fait suite à une présentation précédente de la structure littéraire du Zohar.
Que nous apprend l'analyse formelle de l'ouvrage sur les conditions sociales de sa rédaction et de sa réception immédiate?
Pourquoi le Zohar a-t-il été écrit? Quelles sont les déterminations historiques et sociales qui président à sa rédaction?
Qu'elle a été le moteur de la rédaction d'un livre comme le Zohar dans la société juive opprimée de l'Espagne de la Reconquista ? Et cela, en dehors même des questions de l'influence éventuelle du christianisme comme doctrine ou système de représentation.
Champ de production: l'espace social limité et relativement clos à l'intérieur duquel se déploie l'enjeu idéologique de la production des œuvres littéraires et artistiques.
Ecrit pour être lu cela veut dire: écrit en fonction des lecteurs possibles. Et ces derniers ne sont pas seulement une vague postérité, mais des agents sociaux - dominants ou dominés - qui défendent leurs intérêts propres.
Le Zohar est-il une œuvre conservatrice ou révolutionnaire ? Dans l'historiographie contemporaine, G. Scholem tend plutôt à voir le Zohar comme révolutionnaire, tandis que M. Idel y voit une œuvre très conservatrice. Nous tentons d'élaborer une synthèse.
Abraham Aboulafia, né à Saragosse en 1240. Il fut excommunié par R. Salomon ben Abraham ibn Adret après une violente attaque contre son enseignement. Il dut quitter l'Espagne pour la Sicile et mena une vie errante.
Il faut rectifier: il s'agit de R. Salomon ben Abraham ibn Adret, un disciple barcelonais de Nahmanide, qui était lui aussi un "cabaliste", mais d'une école opposée à la divulgation de la cabale.
On trouve bien quelques critiques à l'encontre de l'école théosophique du Zohar, surtout de la part des tenants de l'école de Nahmanide, comme l'auteur inconnu du Ma'arekhet ha-Elohut, mais elles n'ont eu qu'une assez faible portée.
Commentaire sur le Cantique des Cantiques de Isaac ibn Abi Sehulah: édité par A. Green, dans Jerusalem Studies in Jewish Thought, vol. 6, 3-4, 1987, p. 393 et suivantes.
Rappelons qu'au Moyen Âge, il était fréquent de voir circuler des écrits de type midrachique (apocalyptiques ou narratifs) attribués à des maîtres anciens, sans que la question de leur autorité ou de leur attribution soit clairement posée.
Le Zohar a été accepté sans réticence par la majorité des cabalistes espagnols comme une œuvre de grande portée. Son attribution à R. Siméon ben Yohaï n'était pas le point le plus controversé.
Le Zohar a permis aux cabalistes de faire valoir plus aisément leur doctrine comme étant une "tradition" autorisée.
Même les nouvelles interprétations des cabalistes ont pu fusionner grâce au Zohar avec la "tradition". La notion de "tradition" est une composante essentielle de toute religion, ce que Danièle Hervieu-Léger montre dans La religions pour mémoire, Paris, 1991.
Jacob ben Chéchet, Ha-Emounah veha-Bitahon, dans Kitvey Ramban, t. 2, Mossad ha-Rav Kook, éd. Chavel, Jérusalem, 1974.
Le Zohar se réfère constamment au Talmud et au Midrach rabbinique, mais il fait aussi des emprunts plus discrets à des exégètes médiévaux comme Rachi ou Abraham Ibn Ezra. Il emprunte aussi à Maïmonide.
Milin hadetin 'atiqin : anciennes nouvelles paroles. Dans sa Haqdamah (introduction ou préliminaire, Zohar I, 1a-14b), le Zohar se livre à une apologie des "paroles nouvelles" prononcées par les exégètes, qui "s'élèvent au ciel, créant des cieux nouveaux..."
La querelle entre les "modernes" et les "anciens" se pose en des termes particuliers dans le Zohar, où on retrouve pourtant les traits habituels à ce type de conflit universel entre générations.
Par l'expression "matnita dilan", le Zohar se réfère à une "Michnah" (enseignement) de nature ésotérique transmise par les cabalistes.
Les cabalistes se posent à la fois comme des  héritiers et des pionniers, des transmetteurs fidèles et des novateurs audacieux. Cela pourrait être un trait caractéristique de la religiosité mystique.
Les cabalistes de l'Ecole du Zohar avaient conscience de n'avoir entre les mains qu'une partie seulement des secrets de la Torah. D'où la mission qu'ils se donnaient de reconstituer ces derniers par leurs expériences mystiques, ce qui en retour les validaient.
R. Hayyim Vital dans son livre 'Cha'arey Qedouchah", chap. 4 (édité Jérusalem en 1988), décrit la technique d'appel des âmes des tannaïm.
Au moyen de ces techniques mystiques, ce sont les maîtres des siècles passés qui continuent à délivrer un enseignement nouveau pour le présent.
Le Zohar et d'autres cabalistes du XIIIe siècle ont joué sur le double sens du mot Michnah pour dire faire fusionner deux choses distinctes: un enseignement nouveau et le corps doctrinal canonique ancien.
Prestige d'auteur et autorité de transmetteurs: tels sont les deux principaux succès personnels des cabalistes du XIIIe siècle.
Les enseignements des maîtres anciens sont présentés dans le Zohar comme des savoirs nouveaux.
"Les compagnons ont commenté ce verset, mais voilà son secret..." tel est le prologue le plus fréquent précédent de nombreux développements dans le Zohar.
L'enseignement classique n'est pas présenté comme étant obsolète, mais comme étant secondaire, périphérique, face à l'enseignement ésotérique affiché comme étant le noyau fondamental, la vérité intime du texte biblique.
Les interprétations cabalistiques du Zohar sont présentées comme devant être considérées comme le savoir le plus éminent, qui doit dominer le champ de l'étude religieuse.
La réception sociale et la diffusion du Zohar attestent du succès de la stratégie de son auteur, malgré son caractère paradoxale et risquée.
Dans une liste publiée par G. Scholem il y a une trentaine d'années, plus de 80 commentaires suivis du Zohar sont mentionnés. Il existe aussi d'autres commentaires dans des œuvres séparées, mais ils n'ont pas ce caractère suivi.
Le Zohar n'est pas un commentaire de plus sur la Torah, c'est une forme nouvelle, une façon nouvelle d'interpréter la Torah et de s'y rapporter.
La tentative revivaliste du judaïsme qui est celle du Zohar s'est étendue au-delà de son époque et poursuit son projet jusqu'à nos jours, comme en témoigne l'émergence fréquente de mouvements mystiques fondés sur le Zohar, comme les "Centres de la Kabbale".
La semikhah est le nom donné à l'ordination des maîtres à la fin de l'Antiquité. Elle n'était plus pratiquée depuis le IVe siècle, où elle avait été interdite par l'autorité romaine.
R. Joseph Caro (1488-1575), R. Moïse Cordorévo (1522-1570), ils vivaient à Safed et étaient d'origine espagnole.
Malgré son côté "révolutionnaire" par ses aspirations messianiques et prophétiques nettement affirmées, Abraham Aboulafia et son enseignement ne parviendront pas à bouleverser durablement le judaïsme.
Pour appréhender le champ social dans lequel l'auteur du Zohar vivait il faut étudier aussi les personnages principaux du Zohar - et les figures mineures également.
Les héros du Zohar ne sont pas des autorités rabbiniques dirigeant ou dominant des institutions synagogales ou communautaires.
R. Judah Ha-Nassi (le Prince), qui vivait au IIe siècle, est une figure secondaire dans le Zohar, alors qu'il est une figure centrale dans la tradition rabbinique du Talmud.
Les Tannaïm apparaissent dans le Zohar comme des enseignants itinérants, pauvres et humbles, jamais comme des seigneurs, gardiens de la Loi.
Le Zohar accorde aussi une place importante dans l'échelle de la connaissance des mystères de la Torah à des personnages très modestes: conducteurs d'ânes, enfants, aubergistes, etc. Moïse de Léon voulait explicitement "démocratiser" les secrets de la Torah.
Le Zohar s'adresse à tout le monde, il veut révéler les secrets de la Torah à l'ensemble du peuple, les arrachant ainsi à l'élite sociale des intellectuels et des autorités rabbiniques.
Le Zohar met au premier plan l'idée du salut des humbles et ne le réserve pas - comme les philosophes juifs - à quelques savants.
L'avarice, surtout celle des riches,  est l'un des défauts les plus critiqués par le Zohar.
Pour le Zohar, donner la charité revient à "faire Dieu". Voir III, 113a. Voir notre ouvrage, Les grands textes de la cabale, les rites qui font Dieu, Lagrasse, 1993, p. 560 et suiv.
Le Zohar engage une lutte constante contre le désespoir qui est pour lui la clé de l'impiété.
Pourquoi le Zohar adopte-t-il un style énigmatique pour s'adresser aux "gens du peuple"?
Quel rapport existe-t-il entre une formule ésotérique et un slogan ?

 


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