Causerie avec Yaël Gronner Timsit du 8.5.2000.
Author, copyright Charles Mopsik, 30 05 2000, 50:26mn.
Zohar, Lamentations, (traduit de l'araméen, introduit et annoté par Charles Mopsik, Les Dix Paroles, Verdier 2000) :
Chapitre VII – Seule Rachel resta, elle leva la voix,
pleurant avec mélancolie d’amers sanglots. Le Saint béni soit-il lui dit :
Rachel, pourquoi pleures-tu ? Elle dit devant lui : Je ne devrais
donc pas pleurer ! Mes enfants, où sont-ils ? En quoi ont-ils péché
contre Toi ? Il lui dit : Ils ont fait pénétrer une rivale face à Moi
et ils l’ont introduite dans ma Maison. Elle lança aussitôt : Eh bien
quoi, n’ai-je pas fait plus, moi qui ai introduit ma rivale dans ma maison… et
Toi dont il est écrit : « Miséricordieux et gracieux,
longanime » (Ex. 34:6), Tu aurais dû leur pardonner leur péché !
Midrach Lamentation, Petihta 24 - "Seigneur du monde, il est connu de Toi
que Jacob ton serviteur m’aimait d’un amour extrême. Il travailla pour mon père
à cause de moi pendant sept ans. Lorsque ces sept années furent écoulées et que
le temps de mon mariage avec mon époux était arrivé, mon père eut l’idée de
m’échanger pour mon mari au profit de ma sœur ; la chose fut extrêmement
pénible pour moi car quand j’appris ce projet, je le fis connaître à mon époux
et je lui remis un signe pour qu’il distingue entre moi et ma sœur afin que mon
père ne puisse pas m’échanger. Ensuite je me mis à le regretter et j’ai retenu
mon désir ; j’ai eu pitié de ma sœur craignant qu’elle ne devienne un
objet d’opprobre. Le soir je fus échangée avec ma sœur auprès de mon mari, et
je remis à ma sœur tous les signes que j’avais indiqués à mon époux afin qu’il
croie qu’elle est Rachel. De plus, je me suis glissée sous le lit où il était
couché avec ma sœur ; il lui parlait et elle gardait le silence, c’est moi
qui lui répondais à tout instant afin qu’il ne reconnaisse pas la voix de ma
sœur. J’ai été généreuse envers elle et je ne l’ai pas jalousé, elle n’a pas
été atteinte par la honte. Et quoi ! Moi qui suis chair et sang, poussière
et cendre, je n’ai pas été jalouse de ma rivale … et Toi, Roi vivant et existant
[éternellement], miséricordieux, pourquoi es-Tu jaloux d’une idole qui n’est
rien et as-Tu exilé mes enfants qui ont été assassinés par le glaive, et que
les ennemis ont traité selon leur fantaisie ?"
Ce
récit a été adapté, on peut même dire assez fidèlement transcrit par Stephan
Zweig dans une nouvelle intitulée La
lutte de Rachel contre Dieu, traduite en français et publiée dans, Romans et nouvelles, I, Paris, La
Pochotèque, 1991, p. 711-723. Les éditeurs et préfaciers ignorant tout des
sources de l’auteur viennois, n’ont pas situé correctement cette œuvre dans son
contexte culturel. Il s’agit d’un exemple remarquable de remaniement littéraire
contemporain d’un récit midrachique ancien.
C.M.