retourrollover.jpg

 Moise-de-Leon.jpg


                       
   R. MOISE DE LEON
Et SON MILIEU


  Ecoutez


Author, copyrigth : Charles Mopsik, le 20 03 2000, 53:48mn.


Descriptif par Charles Mopsik

R. Moïse de Léon et son milieu. Comment extraire des informations pertinentes sur la société dans laquelle il vivait de ses écrits et des témoignages que l'on peut retrouver. 

Moïse de Léon est né en 1240 à Léon et il est mort à Arévalo, sur le chemin d'Avila, en 1305.

Une liste complète (en 1996) des écrits de Moïse de Léon se trouve dans le seul de ses ouvrages qui a été traduit en français : "Le Sicle du Sanctuaire", collection "Les Dix Paroles" à Verdier. (Traduction de l'hébreu, introduction et notes par Charles Mopsik.) Voir : Le Zohar et sa structure 1 pour plus de précisions au sujet de la rédaction du Zohar.

Joseph Gikatila (1248-1325), Joseph de Hamadan (fin du XIIIe siècle).

Comme c'est le cas de la plupart des cabalistes, les éléments bio-historiques dont on dispose sont rares, ténus et peu sûrs. Les cabalistes, à quelques exceptions près, semblent ne pas avoir laissé de témoignages à leur sujet. Mais des sources ont disparu.

Il existe trois domaines où puiser des informations: un témoignage unique d'un voyageur, les brefs éléments biographiques dans les écrits de R. Moïse et ses développements doctrinaux.

Isaac d'Acco (St. Jean d'Acre), était un disciple d'Abraham Aboulafia en même temps qu'un adepte de la cabale théosophique (celle du Zohar). Il est l'auteur de plusieurs ouvrages volumineux et importants, dont: Sefer Mé'irat Eynayim et Otsrot Hayyim.

La reconquête d'Acre par les musulmans en 1291 a été l'occasion de massacres de Juifs et de chrétiens.

Sefer Yohassin ha-Chalem: Londres et Edimbourg, 1857, p. 88-89.

Traduction du récit de R. Isaac d'Acre concernant sa quête de l'auteur du Zohar en Espagne du nord et sa rencontre avec R. Moïse ben Chem Tov de Léon à Tolède.

Traduction du récit de R. Isaac d'Acre concernant sa quête de l'auteur du Zohar en Espagne du nord et sa rencontre avec R. Moïse ben Chem Tov de Léon à Valladolid.

Cette légende est racontée dans Zohar Hadach Ki Tavo, 59c, elle a sa source dans la litt. rabbinique, voir par ex. Chabbat 33b.

Il s'agit de Dieu lui-même, auquel l'origine première du Zohar est attribuée.

Le Zohar apparaît bien parmi les contemporains de Moïse de Léon comme une divulgation auprès du plus grand nombre d'un savoir qui était réservé à une petite élite.

Nahmanide était la grande autorité rabbinique d'Espagne, qu'il dut fuit à la suite de la fameuse controverse de Barcelone (voir "La dispute de Barcelone de Nahmanide, traduit de l'hébreu, introduit et annoté par Eric Smilevitch, Les Dix Paroles, Verdier 1984)qui le mit aux prises avec les chefs de l'Eglise locale. On voit que le Zohar lui a été attribué par certains.

Ce nom magico-théurgique guide la plume des auteurs et leur dicte des enseignements venant des puissances supérieures. Il pourrait s'agir d'un nom d'ange.

Cette mort subite de Moïse de Léon pourrait ne pas être une simple coïncidence, mais pourrait être la conséquence semi-fictive du serment évoqué (que D. me fasse ceci et cela). Isaac suggérerait que son interlocuteur aurait ainsi appelé la punition du Ciel.

L'identité exacte de ce R. Joseph n'est pas connue.

Il s'agit de R. Joseph ben Todros Halévy Aboulafia, auquel Moïse de Léon dédia plusieurs de ses ouvrages, dont le Sicle du sanctuaire. Il était l'héritier d'une grande famille dirigeante du judaïsme espagnol.

Le redît de R. Isaac d'Acre est incomplet et se termine brutalement.

Le témoignage de l'épouse de R. Moïse de Léon doit être examiné avec une attention soutenue.

Les divers témoignages montrent que le public visé en premier par Moïse de Léon était composé d'intellectuels issus de milieux aisés mais sans autorité communautaire ou rabbinique directe.

Moïse de Léon accepte de sacrifier son prestige d'auteur à des intérêts financiers immédiats, en se faisant le simple copiste ou l'éditeur du livre qu'il rédige secrètement.

En étant versé sur le compte de la "tradition", le Zohar devient un livre susceptible de faire autorité. Il investit un autre champ de la culture et de la religion juive.

Pour que l'invention puisse être acceptée socialement, il fallait qu'elle passe pour une "nouvelle" tradition, à savoir une nouveauté certes, mais qui était toujours déjà présente de façon plus ou moins cachée au sein d'une tradition ancienne.

Le texte du Zohar témoigne du conflit universel entre l'invention créative et la soumission aux œuvres des anciens. Il résout ce conflit de façon tout à fait intéressante, en dé historicisant radicalement la "tradition" - qui est ramenée à sa source céleste.

Quel rôle et signification sociale joue l'évocation du Chem ha-Kotev, le "nom écrivain?" On aurait envie de dire: par lui, l'auteur abandonne son propre nom et l'œuvre devient le produit du "nom", qui condense et symbolise l'ensemble de la "tradition".

L'impossibilité de concéder à un auteur spécifique une "œuvre" reconnue comme "faisant la tradition", caractérise le judaïsme rabbinique depuis le début. Il ne s'agit pas d'une volonté de dépersonnaliser les enseignements (le nom des maîtres est conservé).

"Des nains juchés sur les épaules des géants". Mais ce sont les nains qui voient plus loin que les géants.

R. Siméon bar Yohaï et les autres maîtres anciens ne sont pas de simples transmetteurs de la tradition, mais "sont" cette tradition sous un nom d'hommes.

Les maîtres qui apparaissent tout au long du Zohar sont souvent des personnages errants, pauvres, méconnus par leurs contemporains. Ces figures reflètent le groupe de cabalistes espagnols parmi lesquels évoluait M. de Léon.

A côté des croyances dans le merveilleux, une attitude critique est perceptible dans le Zohar qui met la quête de la vérité au-dessus de toute autre considération.

La dispute sur l'identité de l'auteur du Zohar faisait déjà rage du vivant de Moïse de Léon à en croire le témoignage de R. Isaac d'Acre.

Nette séparation entre les hommes et les femmes qui évoque le caractère encore très marqué par la culture arabo-musulmane de la société juive en Espagne au XIIIe siècle.

Moïse de Léon avait comme ressource principale les copies de manuscrits qu'il effectuait pour le compte de "lettrés fortunés". Cependant, il s'agit de copie de ses propres écrits (Zohar ou œuvres signées). Il est à la fois un "copiste" et un "auteur".

Comme il vivait de sa plume, multiplier les livres, les interprétations, lui permettait d'augmenter ses ressources.

Il existe un lien déterminant entre la création littéraire et son abondance et la quête de ressources vitales.

Le passage de la reconnaissance d'une multiplicité de possibilités d'interprétations à la proclamation de leur infinité virtuelle a une importance sociologique et économique qui doit être prise en compte.

Les besoins concrets des auteurs et des écrivains - reconnaissance sociale et subsistance matérielle - sont des facteurs essentiels pour comprendre leur activité et la nature intime de leurs œuvres. Le champ littéraire et social s'entrecroise.

En proclamant l'infinité des interprétations possibles d'un même verset, les cabalistes espagnols se donnaient aussi les moyens de survivre, puisque leur subsistance était liée en partie à leur activité d'interprètes de la Torah.

Avec le Zohar, Moïse de Léon se sacrifie comme auteur afin d'être considéré comme le porteur ou le transmetteur privilégié de la "Tradition".

Ce ne sont pas seulement des questions doctrinales qui ont amené les cabalistes à promouvoir l'idée d'infini en matière d'interprétation mais aussi des raisons sociales impérieuses.

Nous traiterons plus longuement de l'ésotérisme dans un exposé ultérieur.

D'une part Kabbalah veut dire réception, donc répétition, copie et d'autre part elle est l'espace principal où le judaïseme s'est renouvelé en profondeur.

L'étude du Zohar comme phénomène religieux pourrait donner l'occasion de comprendre autrement la notion sociologique de "tradition".

Importance du livre dans une culture écrite comme moyen pour une tradition de se renouveler.

Le public de R. Moïse de Léon n'était pas important numériquement. Il s'adressait à lui essentiellement par le biais de livres.

Une hypothèse audacieuse: c'est à partir du Zohar que le judaïsme devient une religion fondée sur une production écrite.

Les cabalistes de Castille étaient des écrivains à plein temps, contrairement à leurs homologues catalans.

Les cabalistes castillans figurent parmi les premiers "auteurs" dans la société juive, au sens moderne du mot "auteur".

Le Zohar, y compris le détail de ses développements exégétiques et théosophiques, doit être étudié en tenant compte des conditions sociales de sa production.

Il ne faut jamais oublier qu'un livre est aussi l'oeuvre des efforts physiques de son auteur et de sa situation concrète dans une société déterminée.

 


 

Copyright (C) 2014 - Tous droits réservés à Aline Mopsik