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ZOHAR (Livre de la Splendeur).
Oeuvre théosophique écrite en araméen dans la Castille de la fin du
XIIIe siècle. Pseudépigraphe attribué à rabbi Siméon ben Yohaï (fin du
Ie et début du IIe siècle), il paraît avoir été rédigé par Moïse ben
Chem Tov de Léon ou un par un autre membre de l'Ecole théosophique
castillane à laquelle il appartenait. Cet ouvrage assez volumineux
(environ deux mille pages), reflète les conceptions des cabalistes
espagnols du XIIIe siècle appartenant au courant théosophique et
théurgique, par opposition aux cabalistes prophétiques et extatiques
dont Abraham Aboulafia fut le chef de file (suivant la classification
mise en vogue par Moshé Idel). L'autorité et le prestige de ce livre
qui se présente comme un commentaire (midrach) sur le Pentateuque et
sur les cinq Rouleaux (en fait seulement du Cantique des Cantiques, de
Ruth, des Lamentations) furent si grands qu'il devint la Bible de la
cabale. Regardé comme un Livre saint du judaïsme, il passionna de
nombreux érudits chrétiens de la Renaissance qui crurent y découvrir
l'enseignement adamique primordial qui inspira la philosophie de Platon
et les religions monothéistes. Oeuvre littéraire composite, puisqu'il
comprend, outre le commentaire biblique, une série de traités (Livre du
mystère, Grande et Petite Assemblée, Midrach ésotérique, Secrets des
Lettres, Secret des secrets sur la physiognomonie, etc.), il est écrit
dans un style assez inégal, mais qui est souvent celui de l'emphase
mystique, de la poésie religieuse la plus élevée, de l'exaltation
devant les mystères de l'univers. Son contenu doctrinal et
philosophique est une sorte de néoplatonisme adapté à la tradition
rabbinique, transformé, parfois renversé, pour qu'il serve à la
description des dix sefirot, les degrés de manifestation de la
divinité, qui sont perçues comme des réalités vivantes et parfois
dotées d'une certaine personnalité. Les événements relatés par
l'histoire biblique sont interprétés comme les symboles d'événements
ayant lieu dans le monde divin, et les personnages de l'histoire sainte
deviennent des figures quasi mythiques. Cette théosophie complexe et
riche, dans laquelle domine la peinture de structures intradivines
bipolaires masculines et féminines et de leurs relations, est liée à
une conception de la pratique religieuse qui lui prête un pouvoir
théurgique immense. Ainsi, le juste, figure idéale de l'homme pieux et
fidèle, est capable par son action ici-bas et ses prières, d'unifier
les composantes du monde divin (les sefirot), d'éveiller les puissances
divines et de les renforcer, de changer le cours des choses, aussi bien
en Dieu même que dans les régions inférieures du cosmos. Mais le Dieu
qui se révèle dans ses sefirot n'est que l'émanation d'un principe
caché et indicible appelé Eyn Sof (Infini), qui demeure hors de portée
des croyances et des pensées, et dont la surabondance nourrit d'être
tous les univers qui n'existent que parce qu'il épanche en eux ses
influx vivifiants.
Aucune édition critique à ce jour, hormis un court chapitre sur le
mystère des lettres publié par Stephen G. Wald : The Doctrine of the
Divine Name, An Introduction to Classical Kabbalistic Theology, Brown
Judaic Studies, 149, Atlanta, 1988.
C. M.
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