retour.jpg

 
           

AU SUJET DES VISIONS AU SEUIL
DE LA MORT DANS LA CABALE


 




A Monsieur Franklin Rausky, Paris le 21 février 1993

Cher Ami,

Le sujet pour lequel vous m'avez demandé une contribution a fait l'objet de nombreux écrits de la part des cabalistes. Le Zohar en particulier ainsi que les ouvrages de Moïse de Léon contiennent un nombre appréciable de descriptions d'expériences vécues au seuil de la mort ou lors de l'agonie d'un mourant. Ce thème pourrait être à lui seul la matière d'un volumineux travail. Selon ces textes, quand le corps est dans un état d'extrême faiblesse, il ne constitue plus un obstacle à la perception directe par l'âme des mondes invisibles. Le Zohar dépeint en détail les visions que certains rabbins ont eu au seuil de la mort et qu'ils ont raconté à leur entourage lors d'un sursaut de vie. Grosso modo, ces peintures correspondent à celles qui sont proposées aujourd'hui par des personnes qui ont subi de telles expériences, bien que le Zohar s'exprime dans un langage spécifique et dans un contexte culturel particulier. Il serait sans doute intéressant de comparer de près ces descriptions pour en faire émerger les différences avec finesse et précision. Il me semble que les divers récits décrivent chacun à leur façon une expérience semblable qui est vécue différemment selon les références culturelles, religieuses et le niveau d'éducation des personnes concernées. Les variations entre les narrations me paraissent plus intéressantes que ce qu'elles ont en commun car elles permettent d'étudier de près l'histoire du contexte social où elles sont insérées. Il faudrait bien sûr étendre la comparaison aux récits anciens des bouddhistes tibétains (Bardo Thodol) et des égyptiens de l'antiquité (Livre des morts, etc.). Une véritable phénoménologie historique des récits du seuil de la mort constitue à mon sens un très bon sujet d'étude de religion comparée et de sociologie des représentations, sujet hélas délaissé par les historiens des religions. Je me permets de vous renvoyer à la traduction d'un texte du Zohar qui n'est qu'un échantillon parmi d'autres de tels récits. Il s'agit d'un passage du Zohar sur le Livre de Ruth fol. 80b-80c (p. 103-106 de ma traduction, publiée aux éd. Verdier, Lagrasse, 1987). Bien évidemment, ce thème ne peut en aucune façon être lié à la "cabale pratique", qui ne s'occupe guère de ce genre de chose. Il s'agit d'un sujet récurrent dans les corpus de la cabale théosophique classique.

 Pour répondre à votre question sur mes dernières publications, on peut mentionner :
 Le Zohar, traduction commentée, tome III (Verdier, Lagrasse, 1991).
 Les grands textes de la cabale. Les rites qui font Dieu. Pratiques religieuses et efficacité théurgique dans la cabale, des origines au milieu du XVIIIe siècle (à paraître en Mars 1993).
Je ne dispose pas immédiatement de photo à vous envoyer.
 Je souhaite bonne réussite et succès au dossier que vous préparez.

 Bien amicalement,
                               Charles Mopsik